Naissance au naturel Nora Fellah magazine Greenouille

Il y a quelques mois, j’ai assisté à la conférence « la naissance des humains dans un contexte scientifique renouvelé » de Michel Odent, célèbre chirurgien et obstétricien français qui nous invite à revoir notre façon de voir la naissance, depuis plus de 50 ans. Ce monsieur de 87 ans respire l’humilité, la bienveillance et la joie de vivre. Ponctuant son discours d’un humour fin, il nous fait part de ses découvertes et des grands changements dont il a été témoin tout au long de sa carrière.

 

Nos croyances, nos conditionnements culturels, nos traditions sont remis en question à mesure que la science avance. Nos façons de voir l’accouchement et les liens parents-enfants n’ont de cesse de changer depuis les années 50. Avant cette période, il était par exemple coutume de mettre les bébés en nursery juste après l’accouchement. Aujourd’hui personne ne remet en cause l’importance du contact maternelle pour que l’enfant se sente en sécurité et se développe bien. Nous avons également longtemps cru que tout stress était négatif, alors que des études ont montré que l’exposition du nourrisson à certaines hormones de stress, lors du passage par les voies naturelles, aide à la maturation des poumons ou au développement de l’odorat ! Des exemples comme ceux-là, Michel en a à la pelle !

Nous associons généralement les microbes à des ennemis dangereux, à  juste titre pour certains. Au demeurant, les progrès en physiologie ont montré combien nous avions besoin de ces organismes, et ce, dès les premiers jours de notre vie, afin de développer un bon système immunitaire. Notre mère nous transmet ses anticorps par le placenta et aussi lors de l’accouchement. Dès la naissance, notre système immunitaire (armé des anticorps maternels) est sollicité pour nous défendre. Mais il est encore fragile. Il est préférable qu’il s’entraîne sur des microbes familiers, comme celles de la maison par exemple. Une fois le système bien entraîné, il pourra se renforcer et s’adapter en rencontrant des organismes étrangers. Michel, en bon chercheur, s’appuie sur des études qui montrent que les enfants qui naissent à la maison sont notamment bien moins allergiques que les autres.

Le docteur Odent s’est intéressé au rôle du cerveau de la mère lors de l’accouchement. Le néocortex, la partie cérébrale la plus récente, a bien des vertus. Il permet de penser, de conceptualiser ou encore de communiquer. Mais ce sont les structures cérébrales archaïques (ou primitives) qui gèrent les fonctions physiologiques involontaires comme l’accouchement. Michel s’est rendu compte que stimuler le néocortex inhibait le cerveau archaïque. En d’autres termes, lorsqu’une femme donne la vie, il vaut mieux éviter de stimuler son néocortex pour laisser faire son corps.

Les facteurs stimulant le néocortex seront par exemple la parole, la lumière, le bruit ou l’agitation. Une femme en travail a besoin d’être protégée, il est préférable qu’elle ne parle pas, que la lumière soit tamisée, qu’elle ne se sente pas observée et qu’elle ne ressente pas de danger. Michel partage l’histoire d’un mari qui avait laissé sa femme accoucher seule dans leur salle de bain. Il ne semblait pas vraiment se préoccuper de l’événement, mais avait quand même pris soin de demander à des ouvriers qui faisaient du bruit dans la rue de cesser leurs travaux pendant quelques heures, le temps que le bébé naisse. Rieur, Michel précise que ce mari n’est peut-être pas exemplaire à tous les niveaux, mais qu’il a au moins eu le mérite d’avoir protégé sa femme de stimulations du néocortex.

Ce principe d’inhibition/stimulation a d’autres conséquences sur nos vies. Un nouveau né n’a aucun problème, comme tous les mammifères, à nager sans l’avoir appris, c’est une fonction innée. Pourquoi perd-on cette capacité en grandissant ? C’est le développement du néocortex qui, encore une fois, inhibe certaines fonctions primitives comme la nage. Pour finir de nous convaincre, le docteur donne l’exemple de l’odorat, géré lui aussi par le cerveau archaïque: « Quand nous buvons un verre de vin, le néocortex est mécaniquement inhibé et nous sentons mieux les odeurs »

Fort de ses recherches, Michel Odent a initié le concept d’accouchement en salles de naissance « comme à la maison » (pénombre, naissance dans l’eau, liberté de position…). Il ne dénonce pas les hôpitaux et cliniques dans lesquelles de nombreuses vies sont sauvées chaque jour, il nous invite simplement à questionner nos croyances, sans donner de leçon.

 

Julie Claverie

FB : Le Pas-Sage

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