Fabrice Quintieri, moniteur professionnel indépendant de plongée sous-marine, est aussi un éco-citoyen militant : il initie collégiens et lycéens de la région à ce sport et surtout, les forme à l’importance de prendre soin des océans, source de toute vie sur terre ! Interview…
Greenouille : Pourquoi les océans sont-ils si importants dans le cycle de la vie ?
Fabrice : La quantité totale d’eau sur terre est toujours la même. L’eau, c’est 71 % de la surface totale de la planète. Les océans abritent une très grande partie de la vie et nous devons comprendre que l’écologie ou « science des conditions d’existence » est régie par 3 lois : la diversité, l’interdépendance et les ressources limitées.
L’océan est le premier poumon de la terre. Par simple contact entre l’air et l’eau, l’océan absorbe d’énormes quantités de CO2, piégeant environ la moitié de ce que nous émettons chaque année. En utilisant le carbone au cours de la photosynthèse, le plancton végétal (phytoplancton) produit la moitié de l’oxygène que nous respirons.
Comme tous les êtres vivants, la planète a besoin d’une température adéquate. L’océan régule le climat avec les grands courants marins comme le Gulf Stream. Il se charge en chaleur dans le Golfe du Mexique et la restitue au niveau des côtes européennes. C’est grâce à lui que nous avons un climat bien plus clément qu’à la même latitude aux états-Unis. Il fait bien plus froid à New York qui est pourtant plus bas que Paris !
Les laisses de mer c’est tout ce que la mer ramène sur les côtes. Nous n’y voyons généralement qu’un tas de déchets organiques (et plastique malheureusement) qui nous empêche de poser nos serviettes, mais c’est en réalité une couche humide qui conserve un micro climat frais, essentiel à beaucoup d’organismes. Bon nombre d’espèces animales, notamment des insectes, crustacés ou oiseaux, s’en nourrissent ou en font leur habitat. Une fois décomposées et minéralisées, ces laisses nourrissent aussi les plantes terrestres et plantes et algues marines. Elles jouent également un rôle très important pour la fixation des plages.
Greenouille : L’océan est donc la clé de voûte de la vie de nombreuses espèces, dont la nôtre ! Comment va-t-il aujourd’hui ?
Fabrice : Et bien mes chers amis Greenouilles, la situation n’est pas glorieuse !
Depuis le milieu du 20e siècle, l’activité humaine a détruit 50 % du phytoplancton1 ! En augmentant les gaz à effet de serre dans l’air, on augmente mécaniquement leur niveau dans l’eau. Le surplus de CO2 notamment entraine une acidification des océans qui bouleverse les écosystèmes. Les organismes possédant une coquille ou un squelette calcaire, premier maillon d’une chaine alimentaire complexe, sont menacés. De l’autre côté le réchauffement climatique entraine un réchauffement des eaux. Un déséquilibre de plus auquel beaucoup d’espèces ne parviennent pas à s’adapter. Selon le guide Océan/Climat publié en novembre dernier par Bloom et Deepsea1, certaines algues composant le plancton et le corail pourraient totalement disparaître d’ici 2050. Selon la loi interdépendance, nous avons besoin de les protéger !
La pêche intensive n’aide en rien. Nous pillons les océans et les règlementations nécessaires tardent à se mettre en place. Le business à court terme justifie tout, on joue avec le feu ! La surpêche détruit des espèces entières, les modes de pêches industrielles raclent et détruisent les fonds marins. Nos déchets plastiques et autres tapissent les profondeurs, la surface de l’eau et les plages, il y a dans certains endroits plus de particules de plastique que de phytoplancton. Notre agriculture déverse pesticides, engrais, antibiotiques qui finissent à la mer ! C’est une spirale infernale, les attaques de l’équilibre écologique viennent de tous les côtés. Nous sommes à un point de bascule de l’évolution de la vie sur terre !
Greenouille : Pas joyeux ce constat… que peut-on faire ?
Fabrice : Alors justement, chacun d’entre nous doit agir, non pas par culpabilité mais par responsabilité. Pour que le changement soit efficace il ne faut pas attendre les décisions de nos dirigeants, il faut commencer par le bas de la pyramide, à notre échelle.
1 – Consommer moins de viande et de produits laitiers
L’élevage est une très grande source de pollution directe (intrants chimiques) et indirecte (industries chimiques, transport, déforestation, emballages…). Selon l’Ademe les activités agricoles et alimentaires françaises représentent 36 % des émissions de gaz à effet de serre françaises, loin devant les émissions liées au transport ou encore à l’habitat. Dans son manifeste « Urgence ! Si l’océan meurt nous mourrons » Paul Watson prône clairement un régime mondial végétarien.
2 – Créer moins de déchets
Il ne faut pas chercher midi à 14 heures, un bon déchet est un déchet qu’on ne produit pas ! Passer à l’achat en vrac, délaisser les produits sur-emballés, consommer local pour moins user les véhicules, dont les déchets comme les plaquettes de frein sont très durs à traiter. Plus globalement, arrêter le jetable, privilégier les contenants en verre (recyclables indéfiniment) et prolonger la durée de vie de nos objets.
3 – Manger bio, local et de saison
Moins d’intrant chimique dans les sols et moins de transport, c’est moins de gaz à effet de serre. En plus c’est mieux pour la santé et l’économie locale.
4 – Choisir son poisson
Les poissonniers ont obligation d’indiquer les équipements utilisés. Choisissez la pêche à la senne sur banc libre, la pêche aux lignes à traine et à main, et par casiers2. Certaines espèces sont à bannir2 : dorade rose et sébaste, hoki, saumonette, flétan, anguille, cabillaud, crevette, merlu, raie… Préférez sardines, anchois, maquereaux, harengs et les mollusques comme les moules (si les conditions de pêche sont celles citées plus haut).
5 – Ne rien jeter dans la rue et ramasser tout ce qu’on peut
Tout déchet jeté par terre ira dans les égouts, les fleuves et finira inévitablement dans l’océan. Pour info, ce qu’on retrouve le plus sur les plages ce sont les mégots de cigarette. Un mégot peut polluer jusqu’à 500 litres d’eau et met 12 ans à se dégrader.
6 – Faire le tri sélectif à la maison
Ce qu’on trie est recyclé, par exemple nos vêtements en polyester sont issus de bouteilles plastiques.
7 – Faire attention à nos modes de transport
Le mieux c’est d’utiliser nos jambes pour se déplacer, ou le vélo. Pour les trajets en voiture, favoriser le covoiturage et les transports en commun.
Greenouille : Le mot de la fin ?
Fabrice : Optimiste de toujours, je suis persuadé que la situation n’est pas irrémédiable ! La nature est pleine de ressources, il nous suffit de changer un tout petit peu nos habitudes de consommation et de les transmettre aux plus jeunes, pour lui laisser le temps de reprendre son souffle. La nature peut se passer de l’humanité mais pas le contraire.
Quelques chiffres
• 260 millions de tonnes de plastique sont produites par an dans le monde
• L’amas de déchets en mer ferait la superficie de la France sur 30 m de haut
• 39 % des gaz à effet de serre émis par l’agriculture viennent des rots de vaches
• 1 million d’oiseaux meurent chaque année par le plastique
• 1 hamburger = 600L = 10 douches de 5 minutes
Déchets les plus répandus sur les plages
- Mégots de cigarettes
- Bouteilles en plastique
- Bouchons de bouteilles
- Pailles, bâtons de sucettes, cotons tiges
- Emballages alimentaires
- Sacs plastique
Selon des actions de nettoyage de plages de Ocean Conservancy et Surfrider, entre 2014 et aujourd’hui.
Julie Claverie
1 – Paul Watson, Urgence si l’océan meurt
nous mourront, éditions Glénat.
2 – http://www.bloomassociation.org rubrique : Nos actions / Mieux consommer
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