Conserver ses aliments Nora Fellah magazine Greenouille

La conservation des aliments était, au départ, une question de survie. Au fil du temps, les techniques ont évolué. Nous allons aborder avec vous les bienfaits gustatifs et nutritionnels de la conserve maison.

carotte

Modernisation de la conservation

L’industrialisation du 19e siècle a eu des répercussions importantes sur la nourriture. En Europe, dans les années 1850, les producteurs et agriculteurs commencent à délaisser leurs terres pour s’installer en ville. Les citadins consomment de plus en plus de denrées transformées. Un siècle plus tard, l’arrivée du congélateur dans les années 1960 va marquer un réel tournant dans nos modes de vie en reléguant au second plan les techniques de conservation artisanales.

Aujourd’hui, la conservation par la chaleur (stérilisation, pasteurisation) et le froid (congélation, surgélation) sont les méthodes les plus répandues car elles sont rapides et faciles à mettre en place au quotidien. Il faut dire qu’entre le boulot, les études, la vie de famille, etc., très peu voient l’intérêt d’une conservation traditionnelle. Nous privilégions les alimentsconserves emballés, surgelés et faciles à cuisiner.

Avec le temps, la conservation par le sel ou le sucre a laissé place aux additifs alimentaires. Ces substances ajoutées par l’homme ont pour fonction de colorer, sucrer, ou conserver nos aliments. Ces additifs figurent sur les étiquettes de nos produits et sont identifiables, en Europe, par un numéro commençant par la lettre E. Oui, mais voilà, certains additifs représentent un réel danger pour notre santé. Par exemple, le E952 (cyclamates*) est un édulcorant présent dans les sirops type Sodastream. Des tests sur des rats de laboratoire ont montré que cet additif pouvait avoir des conséquences néfastes sur le système reproducteur, telle l’atrophie des testicules. Tous les additifs alimentaires ne sont pas dangereux, mais à moins de tous les connaître par cœur, je vous conseille de les éviter au maximum.

Quelles alternatives s’offrent à nous?

J’ai envie de vous dire, sans mauvais jeu de mot, que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures. Parfois, un retour aux sources semble être nécessaire. Si nos ancêtres ont bien réussi à s’en sortir avant l’invention du frigo, alors pourquoi pas nous ? Il est vrai qu’aujourd’hui nous disposons de technologies très performantes et utiles au quotidien. Cela n’empêche pas certains de privilégier des modes de conservation plus ancestraux garantissant une meilleure préservation des qualités nutritives des aliments. Question de praticité ? Réel état d’esprit ? Il est primordial de rappeler qu’aucune technique de conservation n’est mauvaise. En mettant en avant les conserves maison, on ne pointe pas du doigt les techniques modernes. Il est possible d’associer plusieurs procédés à ceux utilisés au quotidien, ce qui peut être rassurant pour le consommateur. On peut ainsi pasteuriser et réfrigérer, mettre sous vide et surgeler… Le changement ne doit pas forcément être radical. Il s’agit d’opérer une transition douce afin de trouver le mode de conservation qui nous correspond le mieux. Depuis peu, les bocaux en verre reviennent en force, et on doit cela aux jeunes générations. Ayant connu une alimentation très industrialisée, elles souhaitent reprendre le contrôle de leurs assiettes et réapprendre à cuisiner.

Pourquoi passer à la conserve maison

Tout l’été, on se régale de fruits et légumes frais qu’on aimerait pouvoir retrouver quand le froid s’installe. Faire ses conserves maison permet de préparer des réserves et consommer des produits de saison toute l’année sans produits nocifs. Rappelons qu’il est préférable d’utiliser des aliments bio. Il est également important de noter que toutes les conserves en bocaux, à l’exception des conserves lacto-fermentées, sont des aliments « morts » qui ne conviennent pas à une alimentation vivante, riche en énergie.alternative

Il existe des dizaines de procédés de conservation des aliments. Conservation par déshydratation, fermentation, conservation par le froid ou la chaleur, enrobage, ionisation, etc. Les méthodes diffèrent selon les aliments et les recettes, et toutes ne sont pas réalisables par des particuliers. Une fois qu’on décide de se lancer, il faut se laisser le droit à l’erreur. Expérimentez, donnez-vous du temps pour apprendre à maîtriser les techniques qui vous intéressent. Il y a beaucoup d’avantages à franchir le cap et passer à la conserve maison ! Par exemple, il est possible de limiter le gaspillage des ressources énergétiques et respecter la planète. La fabrication et le transport des boîtes de conserve classiques polluent et coûtent énormément en énergie. Réaliser ses conserves permet de réduire la consommation d’électricité dépensée à stocker des produits dans le congélateur. Puis, avec le temps, vous consommerez de plus en plus de produits locaux et de saison pour le bonheur de l’économie locale et responsable.

La Lacto-fermentation

J’aimerais mettre l’accent sur une pratique peu connue du grand public : la lacto-fermentation. Vieille de plusieurs millénaires (10 000 ans), cette technique, comme son nom l’indique, utilise le procédé de fermentation des aliments. Contrairement à la conservation par le froid ou la chaleur, elle ne nécessite pas d’apport en énergie. Pas besoin de stériliser les pots, de cuire les aliments, ni de pasteuriser l’ensemble. La macération des fruits et légumes produit de l’acide lactique qui empêche la putréfaction des aliments. La teneur en acide atteint un certain niveau puis s’équilibre. La fermentation s’arrête d’elle-même. À ce stade, il est possible de conserver les aliments pendant plusieurs mois.

Ce procédé est très bon pour la santé ! Les aliments lacto-fermentés contiennent beaucoup de fibres, donc des probiotiques, les bonnes bactéries intestinales. L’acidification des aliments permet une meilleure assimilation des nutriments. La fermentation est également connue pour renforcer nos défenses immunitaires.

En pratique, cette technique ne nécessite pas de matériel particulier et est accessible à tous. Il faut un bocal en verre muni d’un couvercle hermétique et d’un joint en caoutchouc. Celui-ci permet au gaz carbonique de s’échapper sans risque d’infiltration d’air. Des légumes ou fruits (tous, sauf les pommes de terre), du sel, de l’eau de source – car l’eau de robinet contient du chlore, ce qui empêche les bactéries lactiques de se développer – et un pilon. Pour qu’un aliment fermente, le bocal ne doit pas contenir d’air. Pour un litre d’eau, il faut 30 grammes de sel gris ou de gros sel (pas de sel de table). Il est également possible de ne pas utiliser d’eau en se servant de l’eau présente dans les légumes. La carotte, par exemple, est un légume naturellement gorgé d’eau. Il existe de nombreuses recettes ayant chacune leurs variantes.

Mais le principe reste le même ; il faut disposer les légumes dans un bocal préalablement lavé, ébouillanté et séché à l’air libre. Il faut s’assurer d’avoir correctement tassé la préparation au fond du bocal pour qu’il y ait le moins d’air conservationpossible, puis ajouter l’eau salée en laissant jusqu’à 2 centimètres d’espace libre entre les légumes et le couvercle pour permettre au gaz de s’échapper sans qu’il n’y ait de débordement. Il faut ensuite disposer le bocal à température ambiante entre 20 °C et 25 °C pendant 3 à 5 jours pour entamer le processus de fermentation, puis le mettre au frais entre 15 et 18 °C pendant 3 à 4 semaines avant de pouvoir déguster. Une fois le processus terminé, il est possible de conserver son bocal plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

Attention, une fois entamé, il faut mettre le bocal au réfrigérateur et le consommer dans les 15 jours. En ce qui concerne la préparation des aliments, il est possible de les cuisiner comme on le souhaite. Mais il faut savoir que les aliments lacto-fermentés sont des produits « vivants » ; pour bénéficier au mieux de leurs bienfaits, il est préférable de les déguster crus (voir le dossier du Greenouille n°14 sur l’alimentation crue)

La clé pour une consommation plus saine ne passe pas seulement par ce que l’on consomme, mais également par la manière de le consommer. La conservation des aliments ne demande pas un effort surhumain et la liste des avantages dépasse de loin celle des inconvénients. Faites des essais, expérimentez à vos heures perdues. Pensez-y la prochaine fois que vous aurez un surplus de fruits ou de légumes ! Avoir un pot de côté peut toujours être utile : des invités débarquent à la dernière minute ? Hop, il vous suffit d’ouvrir votre placard, choisir un bocal, cuisiner, et c’est prêt ! Qui sait, vous arriverez peut-être à convaincre vos amis de sauter le pas ?

 

Nora Fellah

*www.les-additifs-alimentaires.com

www.consoglobe.com/conserves-maison-recettesfutees-2856-cg www.amandebasilic.com/conservation-des-aliments-histoire-methodes/

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www.lanutrition.fr