Le pain Raspaillou

Des hommes et du pain, s’unir pour réécrire l’histoire en bio et en local

raspaillou

En 2007, la spéculation sur les matières premières fait grimper les cours du blé. M. Tourel, artisan boulanger du Gard, subit l’envolée des prix de la farine. Les boulangeries souffrent, certaines ferment… C’est la faute à la mondialisation.

Le boulanger évoque les difficultés de la filière à Gérard Deleuse du Civam Bio Gard (1) qui lui présente un producteur de céréales Bio, Denis Flores. L’artisan teste ce blé et porte son pain au syndicat des boulangers. L’idée de stopper la surenchère des prix en stockant sur le territoire une production locale séduit le syndicat.
Oui mais… plus un seul moulin d’envergure n’est en activité dans le Gard. Selon M. Tourel « les grands minotiers ont racheté tous les moulins du Languedoc-Roussillon, non pas pour les exploiter, mais pour les désactiver… » Il n’en reste que deux. C’est finalement le moulin de Sauret, dans l’Héraut, qui relèvera le défi du Raspaillou, pain bio et local.

Un pain éthique

Pas simple cependant de reconstruire une chaîne de production. Le Civam Bio Gard jouera un rôle actif dans cette reconquête du circuit court par la sensibilisation et la mise en relation des différents acteurs. Désormais, un contrat assure au céréalier de vendre son blé à un tarif fixé à l’avance. Le boulanger, lui, sait que les prix de sa farine ne s’envoleront pas. C’est du commerce équitable local !

Un pain fait à la main

Pour être Raspaillou, il faut être artisan. C’est à dire pétrir, fabriquer, cuire et vendre son pain sur place. Cela peut sembler évident mais ce n’est pas toujours le cas. Les fromenteries et points chauds décongèlent pâtons ou baguettes déjà façonnés, livrés tout préparés, qui lèvent en quelques heures et sont cuits à la demande. Bien plus simple que de travailler une matière première différente chaque année selon les récoltes, non standardisée par des additifs, et reposant de nouveau sur le savoir-faire du boulanger.
L’association tient aussi à garder « les hommes derrière le pain » et refuse les « usines à pain reléguées en zone industrielle, qui dispatchent ensuite leur production dans plusieurs dépôts vente » selon M. Tourel. De ce fait, le Raspaillou reste un pain artisanal et humain.

Le pain de tout un chacun

Le Raspaillou, par son goût proche des autres pains, s’adresse au consommateur traditionnel. Pas certain qu’il séduise la clientèle des bio-convaincus, habitués au blé complet, au kamut, à la touselle…
Pensé pour satisfaire les palais menés à la baguette, c’est un pain de transition qui invite chacun à une consommation plus respectueuse de la santé des hommes, de la planète et de l’économie locale.

De nouveaux horizons

Le Raspaillou espère ouvrir la possibilité aux artisans boulangers de remporter les appels d’offre de la restauration hors domicile. Car un détail favorise les industriels : la restauration collective ne jure que par la boule individuelle de pain ! « Cette forme entraîne pourtant de gros gaspillages dans les cantines (2)… mais il n’y a plus de trancheuses dans les établissements !!! » selon M. France (3), boulanger à Nîmes qui a tout de même réussi à convaincre et fournir plusieurs collèges de sa ville.
Autre frein : pour de multiples raisons (4), le prix du Bio, et donc du Raspaillou, est légèrement supérieur. Mais, la collectivité ne peut-elle acheter plus cher, en moindre quantité, un pain de qualité, tranché à la demande pour éviter le gaspillage et faire vivre sa région ?

Le grand patron, c’est vous !

Au sein de votre famille, ce sont vos achats qui déterminent si la mondialisation conditionne l’économie locale ou si elle doit passer son chemin. Le Languedoc-Roussillon a mis des hommes derrière son pain. à chacun de choisir, ensuite, parmi les offres (Lou Pan d’Oc, la Locale…) s’il préfère du bio, du local, du bio et local, ou s’il se moque de toutes ces questions !

Fred Jarnot
fred.jarnot.fr

1 – Civam : Centres d’Initiatives pour
Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural.
2 – Gaspiller une tranche de pain a le même
impact sur l’effet de serre que de laisser une
lampe de 60 W allumée pendant 2h15 minutes.
Source : http://alimentation.gouv.fr/reduire-le-gaspillage-a-la-cantine
3 – Boulangerie Digé
4 – Les surcoûts de production d’un produit bio existent : rendements plus faibles, main-d’œuvre
plus importante, moins de subventions, coût
de la certification (en revanche, la suppression des engrais et pesticides est une réelle économie)

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