De la paille dans nos maisons

Mariano Dellantonio et Cédric Hamelin sont deux gardois spécialistes de la construction paille. Ils nous expliquent pourquoi et comment elle est LE super matériau. Rien à voir avec les 3 petits cochons !

Le secteur du bâtiment est le plus gros consommateur d’énergie en France et il représente 25 % des émissions de gaz à effet de serre*. La paille est une réelle opportunité de changer cette tendance !

Le meilleur isolant

Mariano est spécialiste en ressources locales depuis plus de 30 ans. Il a parcouru le monde pour faire avancer la construction durable, l’autonomie, la formation et l’utilisation de matériaux sains et peu coûteux. Co-fondateur de l’entreprise Easygreen, il propose des solutions de construction en caissons bois/paille sur toute la France. Pour lui, la paille est de loin le N°1 des isolants.

Elle a une très bonne résistance thermique, c’est à dire qu’elle conserve longtemps la différence de température entre l’intérieur et l’extérieur et ne laisse pas passer le chaud ou le froid trop vite. C’est surtout en été que la paille est intéressante puisqu’ elle a un déphasage lent (temps que mettent les calories à passer au travers de l’isolant) de 20 heures, celui du polystyrène par exemple est de 3 heures. Avec nos étés chauds, c’est un facteur confort à prendre en compte.

Ensuite, la paille est un déchet agricole, c’est de la récupération. Elle produit donc très peu voire pas du tout d’énergie grise (l’énergie consommée lors du cycle de vie d’un produit hors utilisation : production, transformation, fabrication, transport, recyclage…).

Enfin, le prix est très raisonnable puisque le m2 coûte environ 5 € (à peu près pareil que le polystyrène), contre 24 € pour la laine de bois par exemple.

construction en paille

La paille porteuse

Cédric Hamelin fait parti du Réseau Français de la Construction Paille depuis 10 ans, il est également coordinateur du groupe de travail sur la réglementation de la paille porteuse. Il a participé à la rédaction des règles d’ouvrage qui légalisent l’isolation par la paille et travaille aujourd’hui à légaliser la technique de paille porteuse grâce à laquelle les bottes de paille sont les murs porteurs d’une maison.

Cette technique est nommée Nebraska, car c’est dans cet état d’Amérique qu’elle s’est développée vers 1860. Il y avait peu de bois dans cette région, c’est en toute logique que les paysans se sont tournés vers la paille qu’ils avaient en abondance. Légère et gratuite, elle a servi à faire leurs villages jusqu’à l’arrivée massive du béton dans les années 30.

Cette technique n’a rien d’utopique, elle est par exemple tout à fait légale au Royaume Uni, en Californie, au Colorado, en Suisse et au Danemark. Mais définir le cadre légal dans un nouveau pays n’est pas si simple.

Cédric m’explique que paradoxalement, il faut d’abord faire des chantiers pour montrer que ça marche. Et c’est bien ce que lui et la dizaine d’experts français s’attellent à faire. Ils ont mis en place un partenariat avec l’IUT de génie civil de Nîmes pour faire des essais et 14 logements en paille porteuse sont à l’étude à Les Mages, petite commune au nord d’Alès.

Pour Cédric, les avantages de cette technique sont nombreux. On retrouve bien sûr les avantages pour l’isolation, le matériau en lui-même est écologique et il ne dégage aucun produit toxique. Mais cette technique permet surtout de replacer l’humain au cœur de la construction. Cédric prône un transfert de savoir où la formation et la (capabilisation [pas trouvé dans dico Larousse]) sont au cœur des chantiers. Il s’agit de créer des emplois qualifiés non délocalisables, de vrais métiers, pas juste de la main d’œuvre interchangeable. La construction paille crée plus d’emplois (2,5 fois plus), permet d’avoir une maison passive, et comme les matériaux sont moins chers on reste sur des budgets équivalents à la construction conventionnelle. Pour l’exemple de Les mages, le coût final est estimé à 10 % de plus qu’avec des techniques conventionnelles, mais il serait amorti en quelques années grâce aux économies d’énergies.

Julie Claverie

*www.voseconomiesdenergie.fr

N’hésitez pas à partager l’article sur les réseaux sociaux !